Josephine Hopper : Sa Vie, Son Œuvre
Jo Hopper, une vie d’artiste cachée à l’ombre d’Edward Hopper
Avez-vous déjà entendu parler de Josephine Hopper, épouse, muse et directrice artistique du plus célèbre peintre américain de la première moitié du 20e siècle ? Sans doute pas. En revanche, le nom d’Edward Hopper vous dit certainement quelque chose. C’est un des artistes dont les œuvres sont les plus reproduites dans le monde. La plus célèbre d’entre elles, Nighthawks (Engoulevents), met en scène 3 clients perdus dans leurs pensées, dans un diner éclairé par une lumière crue et artificielle. L’unique femme de ce huis clos étouffant n’est autre que Mme Hopper, surnommée « Jo » par son mari. Portrait de Josephine Hopper, de sa vie et de son œuvre.

Le début de carrière prometteur de Josephine Verstille Nivison interrompu par sa rencontre avec Edward Hopper
Josephine Verstille Nivison voit le jour en 1883 à Manhattan, sur la côte est des État-Unis. Très jeune, elle suit des cours de peinture réaliste auprès de Robert Henri à la prestigieuse New York School of Art. Elle démontre un véritable talent surtout avec la peinture à l’huile, et peut s’enorgueillir de voir ses œuvres exposées auprès des plus grands : Amadeo Modigliani, ou encore Pablo Picasso. Son style empreint de fauvisme est à son image : coloré et pétillant. Elle rencontre pour la première fois Edward Hopper dans les années 1910, mais ce n’est qu’en 1923 que la magie opère entre les deux artistes.
Âgée de 41 ans, elle l’épouse un an plus tard. Elle reste fidèle à son mari jusqu’à la mort de celui-ci en 1967. Sa fierté de femme artiste sera cependant mise à l’épreuve tout au long de sa vie de femme mariée. Mais avant d’entrer plus en avant dans cette période, faisons connaissance d’Edward Hopper.

Edward Hopper, le peintre de l’intimité et de l’introspection
Né en 1882 dans l’État de New-York à Nyack, Edward Hopper est issu d’une famille de modestes commerçants. Après avoir envisagé une carrière de publicitaire, il part lui aussi étudier à la New York School of Art où il commence à développer un style de peinture à la fois très réaliste et intimiste. Afin de parfaire ses connaissances, il entreprend un voyage en Europe entre 1906 et 1910, et s’imprègne du génie des grands maîtres du réalisme européen, tel que Rembrandt. Il se passionne aussi pour l’impressionnisme. Chez les uns, il parvient à s’emparer de la faculté d’exprimer des émotions muettes, aux autres il emprunte le goût pour la couleur. Il parvient à créer un style figuratif propre à la vision réaliste d’outre-Atlantique.
De retour à New-York, il loue un studio donnant sur Washington Square qu’il gardera toute sa vie. C’est dans cette garçonnière transformée en atelier que Jo Hopper vit les premières années de leur mariage. Les œuvres d’Hopper reflètent l’american way of life cher aux américains, dont le mythe est en pleine expansion entre les deux guerres mondiales, favorisé entre autres par l’industrie du cinéma. Son mariage avec Josephine favorise son succès artistique, et, dès 1933, le MoMa (Museum of Modern Art) de New York lui consacre une rétrospective ? Mais le succès de Hopper est aussi celui de sa femme. Elle a une très forte influence sur sa peinture dès 1923. Edward s’essaie de plus en plus aux aquarelles, dont il parfait la technique grâce à Jo qui la maîtrise parfaitement.
Les désillusions d’un mariage malheureux mais prolifique d’un point de vue artistique
Dès le début du mariage, Josephine Hopper va vite déchanter. Le couple s’est rencontré et s’est marié tardivement, ce qui n’est pas courant. De plus, ils sont dotés d’un caractère bien trempé et diamétralement opposé. Elle est aussi vive et enjouée que lui est taciturne, bougon et introverti. Leur relation ne tarde pas à s’envenimer, et Jo Hopper rapporte dans ses journaux intimes (22 nous sont parvenus) les nombreux coups et insultes qui fusent de part et d’autre.
L’enfer de l’atelier de Greenwich Village
L’atelier dans lequel Hopper est installé depuis plusieurs années est vétuste. Jo doit apprendre à cohabiter avec son mari dans cet environnement minuscule, sans eau courante ni électricité. Lui attend de sa femme qu’elle joue la parfaite ménagère, rôle dans lequel elle n’a nullement l’intention de s’installer. L’artiste de l’atelier ? C’est lui, et il n’hésite pas à dénigrer et violenter sa femme lorsqu’elle sort ses pinceaux. Les disputes sont de plus en plus violentes, mais curieusement le couple est inséparable. Toujours au bord de la rupture, ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Jo parvient à faire de ses faiblesses sa force et celle de son mari, car celui-ci est trop introverti pour oser faire connaître ses peintures.
En 1924, Josephine a le courage de participer à une exposition collective au Brooklyn Museum de New-York. Malheureusement, sa peinture est dédaignée. Qu’à cela ne tienne : elle s’improvise directrice artistique de son mari et réussit à vendre une des toiles aux conservateurs du musée. La carrière du plus célèbre peintre américain du XXe siècle vient de commencer. Josephine devient l’unique muse et modèle de son mari, et le restera jusqu’à la fin. Le seul portrait connu représentant sa femme est une peinture à l’huile datée de 1936, « Jo peignant ».

Cape Cod : un lieu d’apaisement
Plus l’œuvre de son mari est reconnue, plus Jo Hopper s’incline et s’efface derrière lui. N’étant pas reconnue comme artiste, elle transfère ses idées, ses projets dans la vie artistique de son mari, qui accepte de bon gré qu’elle gère sa carrière. Les toiles d’Edward Hopper deviennent les enfants qu’ils n’auront jamais. Grâce à la notoriété soudaine du peintre, ils peuvent s’acheter une maison de style victorien au bord de la mer. Là, à Cape Cod, Jo retrouve son chevalet, ses toiles, ses couleurs et s’installe près de son mari pour peindre. Leur style semble alors se mêler et se confondre, et ils paraissent aussi plus heureux.
Jo Hopper : sa vie cachée, son œuvre perdue
Hopper est désormais totalement dévouée à la cause de son mari et devient son agent à temps complet. Dès 1925, et jusqu’à la fin, elle consigne dans ses carnets les expositions, les détails des œuvres, les ventes des tableaux. À 60 ans, Jo reste l’unique modèle de son mari, situation qui semble lui apporter la reconnaissance qui lui fait défaut depuis toutes ses années. Après 25 ans de mariage, leur relation est enfin apaisée. Edward Hopper tombe malade, tandis que Jo perd la vue. Voulant rendre hommage à sa femme et la remercier, il peint « Two comedians » en 1966 quelques mois avant sa mort. Devenue veuve, Jo Hopper vend toutes les toiles de son mari ainsi que les siennes au Whitney Museum of American Art à Manhattan qui se débarrasse de la plupart de ses toiles. Elle ne survit que 10 mois à son époux et meurt en 1968, oubliée de tous.
Aujourd’hui, la plupart des tableaux et des dessins d’Edward Hopper sont conservés dans des musées aux États-Unis, et il ne reste que peu de traces de ceux de Josephine Hopper. Une historienne de l’art américaine, Gail Levin, a entrepris un travail de reconnaissance du statut d’artiste de sa femme. Si tu as été passionné par cet article, n’hésite pas à consulter d’autres biographies de femmes artistes sur La Vie d’Artiste.
Bonne lecture !
Auteure : Anne-Olivia Cascalès

Sources :
https://www.beauxarts.com/grand-format/edward-hopper-en-2-minutes
https://www.barnebys.fr/blog/jo-la-femme-derriere-la-carriere-dedward-hopper
https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/edward-hopper-en-5-chefs-doeuvre-11132782
https://www.beauxarts.com/grand-format/ou-sont-passees-les-oeuvres-de-jo-hopper
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